Mouna Saboni • La mémoire comme des vagues

Chez Mouna Saboni, l’image avance comme une marche intérieure autant qu’un trajet à travers les routes du Maroc, le long de plaines désertiques où le murmure de la poussière semble parfois plus précieux que la parole. À mesure que les kilomètres s’ajoutent, une autre matière se révèle, plus intime, celle d’une terre reconnue avant même d’y avoir vraiment vécu, celle d’un passé en quête de contours.

Des photographies retrouvées à Tanger nous parlent d’inconnus familiers. Sur elles, chaque trou effectué dans la peinture qui les recouvre, chaque arrachement est une brèche d’où s’échappe une mémoire collective qui porte encore les fissures de l’histoire coloniale.

Les montagnes, les murs, l’asphalte, tout semble ici disposé à accueillir des confidences. Les mots affleurent, modifient la texture sans jamais rien n’imposer. Ils offrent un chemin, une manière de se tenir entre deux mondes, deux langues, deux filiations. Les visages aussi ne se dévoilent qu’à demi, comme si cette quête de racines exigeait aussi une pudeur, une retenue. Les poèmes en arabe déposés sur ces images travaillent comme des passerelles. Ils relient les temps, les identités, les regards que l’on porte sur soi, sur les autres, sur les récits transmis ou oubliés. Ils racontent que l’on ne revient peut-être jamais seul à une origine, et que l’on convoque avec soi toutes les voix qui nous ont précédés.

Texte et réalisation : Léonie Pondevie
Musique : Kevin Lecuyer
Commissariat d’exposition : Emilie Teulon
Photographies & installations : Mouna Saboni

Cet épisode de Mirettes a été réalisé dans le cadre des 26èmes Rencontres Photographiques du Pays de Lorient : Le cycle des lucioles, festival porté par Le Lieu de la Photographie. L’exposition La mémoire comme des vagues de Mouna Saboni a été présentée à la Galerie Pierre Tal Coat du 10 octobre au 14 décembre 2025.